Ahcène Mahiouz - dit "la Torture" - le gestapiste devenu anticolonialiste

De la rue Lauriston au maquis, il n’y a parfois qu’un seul pas ; une distance franchie avec aisance par un certain Ahcène Mahiouz.

Surnommé « la Torture », il fut stagiaire à la Carlingue avant d’appliquer en bon élève les enseignements d’Henri Lafont contre ses propres frères d’arme.

Chef de la zone 1 de la wilaya III, en Kabylie, il a gagné ses galons de moudjahid sous le commandement du colonel Amirouche.

Exécutant les basses œuvres de ce dernier, ses tortures sanguinaires lui offrirent une carrure légendaire.

Ahcène Mahiouz, la Torture(© Capture d’écran de France 5 | Reportage: « La Bleuite, l’autre guerre d’Algérie » | Réalisation: Jean-Paul Marie | Production: mano a mano)

Avec lui, tout le monde avoue, même les innocents.

Paranoïaque sixième dan, il voyait dans chaque fidaï un potentiel harki.

Une chasse aux collabeurs qui a conduit 3.000 fellaghas à la potence.

Nombreux sont ces derniers – patriotes jusqu’au bout des ongles – qui ont fini par confesser des traîtrises imaginaires sous les coups de ce tortionnaire de métier.

Tadjer Zohra dite Zora

Aristocrate du pilori, son sadisme inégalé pouvait transformer un innocent en coupable.

La jeune moudjahida Tadjer Zohra – dite Roza – a vécu cette transmutation expéditive lors d’un interrogatoire mené par cet ancien gestapiste.

Militante sincère du F.L.N, elle fut capturée par l’armée coloniale en janvier 1958.

Face au capitaine Paul-Alain Léger, l’architecte de l’opération d’infiltration dite de « la Bleuite » – elle lui a confié vouloir collabeurer avec les autorités policières.

La Bleuite | Capitaine Paul-Alain Léger (© Capture d’écran du reportage La Bleuite, l’autre guerre d’Algérie réalisé par Jean-Paul Marie | Producteur: mano a mano | Tele-Loisirs.fr via Dailymotion)

Un retournement jugé trop diligent, et qui a poussé Léger à finasser en lui montrant des fausses listes de traîtres à la solde des Français.

Libérée dans la foulée, elle fut conduite chez elle par le capitaine ; paradant en uniforme de para dans les rues de Bordj Ménaïel au volant de son véhicule.

Une scène ostentatoire remarquée par les informateurs indigènes, qui a immédiatement éveillé les soupçons d’un Mahiouz peu rusé.

Ce dernier lui aurait alors dit: « On t’a vue avec Léger dans sa voiture ! »

Biographie d'Ahcène Mahiouz, colonel Amirouche, wilaya III
Proto-biographie d’Ahcène Mahiouz. (© DanXaw de pixabay via Canva.com & DIY Book Covers)

Cuisinée violemment des jours durant, elle a fini par lui baver des confessions invraisemblables ; comme des noms de code inventés ou des agents infiltrés fantaisistes…

La malheureuse a fini en sourire kabyle.

Indirectement, le commandant Mahiouz fut l’idiot utile du S.D.E.C.E, l’ancêtre de la D.G.S.E.

Mahiouz mis à l'honneur dans la Kabylie Française

Mahiouz mis à l'honneur dans la Kabylie FrançaiseEn Kabylie, un certain Mahiouz fut élève dans une école colonialo-républicaine. (© Capture d’écran | Source gallica.bnf.fr / BnF | Journal: La Kabylie française : le petit Kabyle : organe de défense des intérêts économiques de la Kabylie et des Issers | Date: 26 mars 1921)

En liquidant – par paranoïa – ses propres rangs, il a dévitalisé l’A.L.N.

La vampirisant de ses éléments les plus lettrés, elle devint un squelette sans chaire et surtout sans tête.

Il ne faut jamais oublier que la guerre est une ruse – formule traduisible en arabe par « Al Harb Khoudaa ».

Et que si un ennemi a des prédispositions pour s’auto-détruire, imbécile serait celui qui n’en profiterait pas.

Elle rappelle aussi que tous les maghrébins ne furent pas du côté gaullo-churchillien de l’Histoire durant la dernière Grande Guerre.

Nombreux sont ceux qui rejoignirent l’axe mussolino-hitlérien.

Parfois par idéologie anti-impériale, souvent par intérêt pognoniste.

En 1940, Émilie Busquant en personne a empêché les éléments germanophiles du P.P.A – regroupés sous la bannière du C.A.R.N.A (pour Comité d’action révolutionnaire nord-africain) – de rejoindre l’axe de Berlin.

Ciblés par la F.F.I en 1944, ils ont dû se recycler sous d’autres cieux plus cléments.

C’est notamment le cas du chef d’état-major de l’A.L.N, Saïd Mohammedi, qui fut autrefois engagé volontaire dans la Wehrmacht.

Ou encore de Mohamed El-Maadi, le cagoulard au service du collaborationiste Marcel Déat, qui fonda la brigade nord-africaine en janvier 1944 avec Lafont pour mater les poches de résistance en Corrèze, en Dordogne ou en Franche-Comté.

La plupart d’entres eux échappèrent miraculeusement au courroux vengeur des libérateurs. 

3 réflexions sur “Ahcène Mahiouz – dit « la Torture » – le gestapiste devenu anticolonialiste”

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