Tadjer Zohra (dite Roza), la moudjahida devenue harkette malgré elle

Gibier d’Ahcène Mahiouz – dit « la Torture » – Tadjer Zohra – dite Roza – a probablement connu l’un des destins les plus tragiques de toute la guerre d’Algérie.

Arrêtée à Bordj Menaïel par la police en septembre 1958 – pour avoir cousu le drapeau du FLN conçu par Émilie Busquant – elle fut passée à la question par le capitaine Paul-Alain Léger.

Ce dernier est alors un vétéran d’Indochine ; stagiaire au SAS britannique, il est considéré comme le cerveau de la Bleuite.

Une opération d’infiltration du GRE – filiale du SDECE – qui avait pour but d’infiltrer l’ALN pour mieux l’intoxiquer afin de la pousser à l’auto-destruction.

Capitaine Paul-Alain Léger & Tadjer Zohra (dite Roza)

Une stratégie qui a porté ses fruits ; bien au-delà des espérances de leurs initiateurs.

En effet, au moins 3.000 fellaghas furent neutralisés par leurs propres frères au sein des différentes wilayas.

Cette Révolution décoloniale, qui a débuté le lundi 1er novembre 1954, a tristement fini par dévorer un à un ses propres enfants.

Une mère ingrate qui a broyé ses éléments les plus lettrés ; privant ainsi la République Algérienne Démocratique et Populaire de forces cognitives conséquentes.

Tadjer Zohra Journal KabylieLes racines de Tadjer Zohra furent ancrées dans les terres de Kabylie. (© Capture d’écran | Source gallica.bnf.fr / BnF | La Kabylie française : le petit Kabyle : organe de défense des intérêts économiques de la Kabylie et des Issers | 15 octobre 1938)

C’est hélas le sort qu’a connu Roza, la jeune captive du GRE.

Se croyant plus maligne que le très rusé capitaine Léger, elle fit semblant de se vendre aux Français dans l’optique de les berner.

Peut-être, qu’à l’instar d’Houria la Brune, elle espérait gagner sa confiance pour mieux glaner quelques secrets tricolores ?

Traitée – non plus comme une prisonnière – mais comme une harkette, elle se vit remettre des listes de faux traîtres dans toutes les wilayas algériennes.

Tadjer Zohra - dite Roza - la moudjahida devenue Harkette sous l'influence du capitaine Paul-Alain Léger
(© GDJ de pixabay via Canva.com & DIY Book Covers)

Bien nourrie au cours de sa détention, et jamais torturée, Léger prit soin de la raccompagner personnellement au volant de son véhicule militaire – en uniforme de para – pour montrer aux indigènes que cette ancienne fidaïa n’est plus des leurs.

Cette manœuvre ostentatoire avait pour but de stabiloter sa traîtrise aux yeux de ses anciens frères de combat.

Une communication qui a fait mouche, puisque l’ancien gestapiste Ahcène Mahiouz, chef de la zone 1 de la wilaya III, a immédiatement cru en ce narratif fictionnel.

Et pour obtenir des aveux, il n’a fait que mettre en application les méthodes apprises lors de ses années passées à la rue Lauriston aux côtés d’Henri Lafont.

La situation de l'Algérie en 1935(© Capture d’écran | Source gallica.bnf.fr / BnF | France-Indochine : journal quotidien | Date: 13 mars 1935)

Au cours de son interrogatoire, digne de la Carlingue, elle confessa sous la douleur une série d’aberrations comme des noms de vendus dans le maquis ou des noms de code imaginaires…

Elle s’accusa même d’être à l’origine de l’arrestation de Yacef Saâdi et de Zohra Drif du 24 septembre 1957 au 3 de la rue Caton.

Stratégie de la France en Algérie jusqu'en 1962(© Capture d’écran | Source gallica.bnf.fr / BnF | Le Mutilé de l’Algérie | Date: 14 novembre 1937)

Une déloyauté pour la cause qui lui aurait rapporté la bagatelle de 50.000 francs…

Tous ces faux aveux ont excité la fougue saddique du capitaine Mahiouz qui a fini par lui faire un sourire kabyle.

Perçue comme une traîtresse, alors que sa foi patriotique était pure, elle fut l’élément accélérateur de la Bleuite.

Chaque fidaï était à présent perçu comme un potentiel harki.

Surtout parmi les instruits, c’est-à-dire ceux qui avaient usé leurs blouses sur les bancs de l’école républico-coloniale.

Les djounouds sans instruction furent quant à eux relativement épargnés par cette auto-cannibalisation nourrie par la paranoïa des cadres du FLN.

3 réflexions sur “Tadjer Zohra (dite Roza), la moudjahida devenue harkette malgré elle”

  1. Ping : Houria la Brune, l'Algérienne francophile au service du SDECE (l'ancêtre de la DGSE)

  2. Ping : Question sensible: qui a dénoncé Ali la Pointe en 1957 ?

  3. Ping : Qui a trahi le colonel Amirouche en 1959 ?

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