Question sensible: qui a dénoncé Ali la Pointe en 1957 ?
L’identité de celui qui a dénoncé la cache d’Ali la Pointe – au sein de la Casbah d’Alger – demeure, encore aujourd’hui, un mystère irrésolu.
Du moins, c’est une question tabou qui provoque à chaque fois toute une cacophonie mémorielle.
- Intervalle informationnel: En quoi Tadjer Zohra – dite « Roza » – fut une accélératrice involontaire de la Bleuite en 1958 ?
Le délateur ne s’étant pas lui-même dénoncé – ce qui en soi est compréhensible – chacun y va de sa petite théorie sur ce sujet épineux.
Ce qui est certain, c’est que le 8 octobre reste une date majeure dans le calendrier décolonial pana-maghrébin.
(© Capture d’écran Ina.fr | Émission « Mots croisés » sur France 2 du 21 mai 2001 | Réalisateur: Jean Jacques Amsellem)
Ce jour-là – de l’an de grâce 1957 – quatre moudjahids tombaient au champ d’honneur sous le souffle du plasticage initié par le commandant Guiraud.
Au 5 de la rue des Abdérames, les corps d’Ali la Pointe, du Petit Omar, d’Hassiba Ben Bouali et de Mahmoud Bouhamidi sont retrouvés sous les décombres fumant.
- Parenthèse infiltrationnelle: Les méthodes psychologiques employées par le très rusé capitaine Léger
Un triomphe communicationnel pour le camp de l’Algérie française, une défaite cuisante pour le FLN qui voit sa Zone Autonome d’Alger (ou ZAA) mise en bière.
C’est le crépuscule de la bataille d’Alger, qui inaugure l’aube d’une nouvelle guerre au sein de la Wilaya III ; celle de Kabylie où stationne les braves djounouds du colonel Amirouche.
(© Capture d’écran Ina.fr | Journal Les Actualités Françaises de 1957)
14 jours auparavant, Yacef Saâdi et Zohra Drif se faisaient cueillir dans leur QG du 3 de la rue Caton.
Ils doivent leur chute à une indigène algéroise au service du capitaine Paul-Alain Léger, une certaine Houria, dite « la Brune ».
- Pause dictionnaire: Connaissez-vous la bonne traduction de l’expression « Koulchi bel mektoub » ?
D’abord militante sincère de l’organisation anti-colonialiste, cette dernière fut dénoncée aux autorités par son mari qui souhaitait s’en défaire au profit d’une autre amante.
Victime adultérine, elle se mit alors au service du capitaine tricolore ; qui devenait ainsi son nouveau Pygmalion.
Maintenue au sein de l’organigramme du FLN, elle transmit au GRE – une filiale nouvellement créée du SDECE – toute une kyrielle d’informations stratégiques comme des planques d’armes ou des projets de prédation urbaine.
C’est elle qui a couvert de craie le dos de l’agent de liaison du colonel Saâdi ; ce qui a permis aux indicateurs des services français de le suivre à la trace dans les ruelles exiguës ; et donc de dénicher son adresse exacte.
Lors de son arrestation du 24 septembre, le cerveau local du FLN sort escorté par des paras qui l’exhibent presque comme un trophée de chasse.
On le voit détendu et à demi-souriant, quand la moudjahida Drif affiche une mine irritée ; à la frontière de l’éruption colérique.
Mis à la question par les enquêteurs, rares sont les historiens à faire preuve d’assertivité sur la suite des événements.
Pour le franco-américain Ted Morgan, dans un ouvrage sorti en mars 2016 – intitulé Ma Bataille d’Alger: Confessions d’un Américain au cœur d’un drame français – c’est Yacef qui serait le délateur ; avec l’idée sous-jacente d’épargner un maximum de vies en neutralisant les troupes survivantes.
(© Capture d’écran | Source gallica.bnf.fr / BnF | L’Aurore : organe de la résistance républicaine | Date:15 juin 1945)
Une révélation qui a provoqué une vive polémique sur les terres de l’Émir Abdelkader.
Le fils de Monsieur Saâdi a notamment avancé que son père ne pouvait techniquement pas transmettre la localisation de la nouvelle planque des quatre chahids ; dans la mesure où ces derniers ont déguerpi dans la nature trois jours après son arrestation.
Dès lors, comment pouvait-il directement communiquer avec eux depuis sa cellule pour obtenir leur nouvelle adresse ?
Pourtant, Louisette Ighilahriz – qui a vécu le supplice des tortionnaires dans sa chaire – a un jour mis à l’index Saâdi sur un plateau francophone face au journaliste Khaled Drareni ; la vidéo de son intervention cumule pratiquement un demi-million de vues sur YouTube.
Elle parle de « doute qui persiste » sans jamais confirmer totalement ; rendant cette divulgation peu convaincante.
Le 21 janvier 2014, c’est Madame Drif qui fut à son tour accusée par Monsieur Saâdi – au travers d’un entretien accordé au média « El Khabar » – d’avoir « vendu » Ali Ammar…
Des querelles mémorielles qui n’aident donc pas à dissiper le brouillard qui entoure encore cette délation mortelle ; et qui reste donc une boite noire de l’Histoire algéroise.
L’idéal serait de ressusciter un capitaine Paul-Alain Léger décédé la veille de l’an 2000… Le vendredi 31 décembre 1999.
Lui seul aurait pu mettre un terme à tout ce cafouillage médiatique intra-algérien.
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