Zohra Sellami, profession: Première dame* du premier Président algérien

* Pas au sens présidentiel du terme dans la mesure où leur mariage s’est déroulé six années après la fin du mandat de Ben Bella.

Dame de cœur d’un roi déchu, lorsque Zohra Michelle Sellami épouse Ahmed Ben Bella en 1971, ce dernier est alors le paria d’une Algérie fraîchement affranchie du joug colonial.

Incarcéré depuis le coup d’État du 19 juin 1965 – fomenté par Houari Boumédienne – ses geôliers ont reçu pour ordre de lui tourner le dos afin de le plonger dans un silence total et absolu.

Punition carcérale qui visait à le plonger dans une folie auto-destructrice, l’ancien Président renversé a choisi de combattre cette solitude imposée par la récitation continuelle de versets du Coran.

Une thérapie salutaire qui lui a permis de sortir des marécages dans lesquels il était enlisé par ses tortionnaires.

Zohra Michelle Sellami | Madame Ben Bella

Entretien ORTF du 16 janvier 1968 avec Zohra Sellami, future Madame Ben Bella. (© Capture d’écran Ina.fr)

Mais ce qui le sortira définitivement du formol, c’est une jeune journaliste acquise aux idéaux de la Révolution décoloniale.

Née le 24 novembre 1943 dans la wilaya M’Sila, celle qui est alors âgée de 28 ans a fait le choix d’unir son destin à celui de cet homme politique jeté au rebut.

La différence d’âge n’étant qu’un décalage horaire, vingt-six années séparent ces deux moudjahidines de la liberté.

Une union qui accouchera de trois adoptions successives: d’abord celle de Mehdia (ou Mahdia), puis celle de Noria et enfin celle d’Alilou.

Ahmed Ben Bella Compagnon de Zohra Sellami

Entretien avec le compagnon de Mme Ben Bella. (© Capture d’écran | Terra Trema via YouTube)

Un foyer uni face à l’hostilité d’un régime post-révolutionnaire qui a dévoré certains de ses propres enfants.

Libéré en juillet 1979, il est poussé sur les faubourgs de l’exil jusqu’en 1990.

Un parcours semblable à celui de Messali Hadj, lui qui fut excommunié de cet écrin algérien pour lequel il s’est battu toute sa vie.

Les deux décennies qui suivirent son retour au pays seront celles de la réhabilitation.

Partisan de l’unité et de la réconciliation, il a signé un retour en grâce en occupant des fonctions diplomatiques sur la scène internationale.

Sans le soutien inconditionnel de celle qui l’a cueilli au fond du ravin pénitentiaire, cette remontada réputationnelle n’aurait probablement jamais pu se faire.

Et c’est le 23 mars 2010, à Paris, qu’elle tira son ultime révérence – elle qui était alors âgée de 66 ans, 3 mois, 29 jours.

Respectée de tous les partisans, le Président Bouteflika est venu lui rendre un dernier hommage en assistant en personne à ses funérailles.

Deux années plus tard, un 11 avril 2012, son illustre mari la rejoignit.

Ces deux âmes jumelles ont traversé les heures les plus coercitives d’un régime qui a pourtant fait de l’affranchissement un leitmotiv indiscutable.