Madame Messali, dessine-moi un drapeau algérien !

« Être désappropriée de l’Histoire, c’est peut-être finalement l’Histoire la plus importante et la plus ordinaire qui arrive quotidiennement aux femmes.»

Arlette Farge[1]

Et si le drapeau de l’actuelle République Algérienne Démocratique et Populaire [ou RADP] n’était finalement qu’une création « made in France » ?

Derrière cette formule un tantinet provocatrice se cache une querelle de chapelle qui déchire certaines grandes figures anti-postcolonialistes depuis plusieurs décennies.

Chacun y va de sa petite thèse historique sans jamais qu’aucun véritable consensus ne parvienne à être pondu sur le papier.

Ce brouillard informationnel contribue donc à faire le lit des faux-monnayeurs qui clament haut et fort en être les auteurs.

C’est notamment le cas du docteur Chawki Mostefaï, qui – par anti-messalisme primaire – s’est auto-attribué dans les médias[2] la paternité de ce symbole au cours des dernières années de sa vie.

Privant au passage Émilie Busquant du titre mémoriel de conceptrice officielle.

Femme européenne non-musulmane et compagne de Messali Hadj – un des pionniers du décolonialisme algérien – cette militante anti-impérialiste a littéralement été effacée du roman national algéro-FLNien.

Aucune rue à Tlemcen ne porte son nom.

Aucune personnalité indigéno-féministe ne lui rend annuellement hommage.

Cette Dame suscite parfois de l’indifférence, quand ce n’est pas du dédain de la part de ceux qui souhaitent « sur-algérianiser » la conception de leur propre étendard.

Pur produit de la classe ouvrière anarcho-révolutionnaire, la Lorraine est souvent affublée par un certain nombre d’intellectuels reconnus du substantif de « mère des Algériens[3]».

Pourtant, la quasi-intégralité de ces derniers ignorent totalement son existence.

Mise sous le tapis par les autorités algéroises, ne serait-elle pas alors devenue la « mère oubliée » de ce même peuple qu’elle a tant chéri au cours de sa vie ?

Du moins, son invisibiblisation médiatique est une anomalie à l’heure où le féminisme n’a jamais eu autant le vent en poupe.

Il parait donc nécessaire de réhabiliter l’une des principales génitrices du décolonialisme maghrébin sans pour autant travestir la Vérité.

À l’instar de Jeanne d’Arc – mise au placard plusieurs siècles durant avant d’être « ressuscitée » mémoriellement au XIXème siècle – il est impératif qu’elle fasse son grand retour dans le roman qui sert de trait d’union à ces deux nations voisines.

[1]: « L’histoire ébruitée » dans L’histoire sans qualité, Arlette Farge, éditions Galilée, 1979.

[2]: Entretien du mardi 21 avril 2015 dans le quotidien généraliste algérien Liberté, Ameyar Hafida.

[3]: Émilie Busquant: Madame Messali, La mère du peuple algérien ?, Marie-Victoire Louis, lundi 1er octobre 1990.