L'Émir Abdelkader, un Harki embrassant la main de Napoléon III ? Ben voyons...

Une partie de l’Histoire de l’Émir Abdelkader fut écrite par un vainqueur: la France.

Tantôt dépeint comme un supplétif – ou « Harki » – qui embrasse goulûment la main de l’Empereur Napoléon III, tantôt décrit comme un traître ; quand ça n’est pas les deux à la fois…

Sa postérité est loin de faire l’unanimité chez les enfants de la Révolution de 1962.

Et pourtant, il reste – dans l’esprit des 45 millions de citoyens algériens – comme un insoumis décolonial.

Un aristocrate arabo-berbère qui a affronté la machine de guerre louis-philippienne des années 1830-40.

De 1832 à 1847, il a porté haut et fort l’étendard de la résistance.

Cailloux dans la botte du maréchal Bugeaud, il a inspiré le respect – voire même l’admiration – de l’ennemi français.

À tel point qu’il a reçu la Légion d’honneur de ce dernier, sans compter la pension annuelle de 150 000 francs.

Des marques de considération qui ont par la suite été interprétées – par l’ensemble de l’algérosphère – comme des signes de traîtrise.

Deux tableaux et une sculpture viennent confirmer cette interprétation peu flatteuse des faits.

Tout d’abord, il y a celui du peintre Théophile Gide – aussi connu sous le nom de François Théophile Etienne.

Émir Abdelkader Embrasse Main de Napoléon III(© Toile du peintre François Théophile Etienne [1822 – 1890])

Exposé au musée ajaccien des Beaux-Arts, situé dans le palais Fesch, il montre un Abdelkader vaincu qui s’échine devant Louis-Napoléon.

Cette scène s’étant historiquement déroulée au palais de Saint-Cloud, le 30 décembre 1852.

On y voit la délégation des chefs arabes prếter allégeance au tout nouvel Empereur des Français depuis le 2 décembre de la même année.

Le second tableau, plus connu, est celui de Jean-Baptiste-Ange Tissier.

Sur celui-ci, on y voit la mère de l’Émir – Al Zahraa bint Al Sheikh Sidi BouDooma – baiser cette main impériale pour exprimer sa subordination.

Sans oublier la gravure sur pierre de Jean-Baptiste Carpeaux, qui immortalise dans la pierre la rencontre du 30 décembre.

Hélas, aucun peintre algérois du XIXème siècle n’est venu proposer SA version de ce face-à-face.

Pourtant, la technique de la photographie existait déjà depuis treize ans – suite à l’invention du Français Louis Daguerre, en 1839.

Il est regrettable qu’un tel épisode n’ait pas été immortalisé plus objectivement avec un daguerréotype…

Encore une fois: le narratif de cette entrevue fut écrit par le vainqueur, en l’occurrence l’Empire napoléonien.

Le vaincu, écrabouillé à la bataille de la Smala en 1843 par le duc d’Aumale, n’a pu que prendre acte de cette version des faits sans pouvoir apporter une objection solide. 

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