L'Émir Abdelkader, un Harki embrassant la main de Napoléon III ? Ben voyons...
Une partie de l’Histoire de l’Émir Abdelkader fut écrite par un vainqueur: la France.
Tantôt dépeint comme un supplétif – ou « Harki » – qui embrasse goulûment la main de l’Empereur Napoléon III, tantôt décrit comme un traître ; quand ça n’est pas les deux à la fois…
Sa postérité est loin de faire l’unanimité chez les enfants de la Révolution de 1962.
- Pause messaliste: Saviez-vous que Messali Harki a servi militairement la IIIème République ? (mais pas comme Harki)
Et pourtant, il reste – dans l’esprit des 45 millions de citoyens algériens – comme un insoumis décolonial.
Un aristocrate arabo-berbère qui a affronté la machine de guerre louis-philippienne des années 1830-40.
Abdelkader front maçon, et baise la main de napoleon 3 pic.twitter.com/t7hEL0EIo8
— Aitwerlisᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠᅠ (@AitwghlisBruno) April 28, 2024
De 1832 à 1847, il a porté haut et fort l’étendard de la résistance.
Cailloux dans la botte du maréchal Bugeaud, il a inspiré le respect – voire même l’admiration – de l’ennemi français.
- Interlude harkienne: La liste (méconnue) des Harkis des différentes wilayas kabyles
À tel point qu’il a reçu la Légion d’honneur de ce dernier, sans compter la pension annuelle de 150 000 francs.
Des marques de considération qui ont par la suite été interprétées – par l’ensemble de l’algérosphère – comme des signes de traîtrise.
Abdelkader de l'Algérie française entrain de baiser la main de son maitre Napoleon 3 😂😂
— Meryem Mourabit 🇲🇦🇨🇦 (@lola70917264988) November 6, 2023
Le traitre a pris 100000 francs et a quitté l'Algérie, et les algériens continuent de le glorifier !
Vous êtes tous de fils de Harki.
J'ai Pitié pic.twitter.com/6lBeMYD5yc
Deux tableaux et une sculpture viennent confirmer cette interprétation peu flatteuse des faits.
Tout d’abord, il y a celui du peintre Théophile Gide – aussi connu sous le nom de François Théophile Etienne.
(© Toile du peintre François Théophile Etienne [1822 – 1890])
Exposé au musée ajaccien des Beaux-Arts, situé dans le palais Fesch, il montre un Abdelkader vaincu qui s’échine devant Louis-Napoléon.
Cette scène s’étant historiquement déroulée au palais de Saint-Cloud, le 30 décembre 1852.
L'Emir Abdelkader dignement plié à 90 degrés pour embrasser la main de Napoléon 3 pic.twitter.com/KPvpSdcllV
— Hamza حمزة 🇲🇦 (@hamza460477) September 22, 2024
On y voit la délégation des chefs arabes prếter allégeance au tout nouvel Empereur des Français depuis le 2 décembre de la même année.
Le second tableau, plus connu, est celui de Jean-Baptiste-Ange Tissier.
Sur celui-ci, on y voit la mère de l’Émir – Al Zahraa bint Al Sheikh Sidi BouDooma – baiser cette main impériale pour exprimer sa subordination.
Sans oublier la gravure sur pierre de Jean-Baptiste Carpeaux, qui immortalise dans la pierre la rencontre du 30 décembre.
2) Emir Abdelkader et Napoléon 3 pic.twitter.com/BmkFBWS4ah
— lalla menana 🪙 🇲🇦 (@_Oumkeltoum_) May 27, 2024
Hélas, aucun peintre algérois du XIXème siècle n’est venu proposer SA version de ce face-à-face.
Pourtant, la technique de la photographie existait déjà depuis treize ans – suite à l’invention du Français Louis Daguerre, en 1839.
Il est regrettable qu’un tel épisode n’ait pas été immortalisé plus objectivement avec un daguerréotype…
Encore une fois: le narratif de cette entrevue fut écrit par le vainqueur, en l’occurrence l’Empire napoléonien.
Le vaincu, écrabouillé à la bataille de la Smala en 1843 par le duc d’Aumale, n’a pu que prendre acte de cette version des faits sans pouvoir apporter une objection solide.
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