Qu'est devenue Jeanine Monnerot depuis le 1er novembre 1954 ?

Il y a eu un avant un après lundi 1er novembre 1954 dans la vie de Jeanine Monnerot.

Institutrice, elle s’était portée volontaire pour aller en Algérie — non pas en tant que soldate — mais plutôt comme enseignante.

Affectée en octobre à la wilaya de Batna, dans le village de Tifelfel, ce devait être le commencement d’un nouveau chapitre de sa vie — loin de la grisaille métropolitaine.

Accompagnée de son mari Guy, c’est par autocar qu’ils devaient tous deux rejoindre la commune d’Arris avant que le souffle de l’Histoire ne les emporte violemment.

Guy et Jeanine Monnerot à leur mariage en août 1954

Mme Monnerot lors de la Toussaint Rouge

Le voyage de Jeanine Monnerot en AlgérieRare photo de Mme Monerot avec son mari, Guy, lors de leur mariage le 10 août 1954 à Limoges, dans la Haute-Vienne. (© Capture d’écran | Source gallica.bnf.fr / BnF | Elle : l’hebdomadaire de la femme : tous les mercredis | Rédacteur en chef: Hélène Gordon-Lazareff | Date: 29 novembre 1954)

C’est alors qu’ils furent stoppés à 7h du matin — dans les gorges aurésiennes de Tighanimine — par une horde de fellaghas dirigée par un certain Bachir Chihani (dit Messaoud).

Le bus en question — un archaïque Citroën vert pâle d’une cinquantaine de places — comptait à son bord le caïd Hadj Sadok, simplement équipé d’un pistolet Manufrance 6,35 automatique pour assurer la protection de son équipage.

Un calibre suranné datant de l’avant-Première Guerre mondiale…

En face de lui, se trouvait le garde du corps de Chihani — Mohammed Sbaïhi — qui lui tenait entre les mains un pistolet-mitrailleur Sten.

Une arme de fabrication britannique avec une cadence de tir de 550 coups par minute.

Et malgré le déséquilibre flagrant des forces en présence, ce caïd a courageusement tenté de jouer la carte de la négociation avec le chefaillon du FLN.

Arbre généalogique de Janine Loiraud et de Guy MonnerotElle s’est par la suite remariée à Meudon, en Seine-et-Oise, le 6 décembre 1956, avec un certain Angel Ruiz. Ensemble, ils ont eu trois fils et une fille.

Lui qui avait préalablement fait descendre les époux Monnerot du véhicule — seuls Européens parmi les passagers Imazighen de la navette.

Refusant de se soumettre à son autorité, il dégaina son 6,35 des plis de sa gandoura — poussant Sbaïhi à lâcher une rafale de balles afin de parer à la menace de son geste téméraire.

Madame Monnerot le 1er novembre 1954C’est à bord de cet hélicoptère que Madame Monnerot fut ensuite transportée pour être soignée. Loin du bled des Aurès. (© Capture d’écran Ina.fr | Source: Journal Les Actualités Françaises)

Une série de détonations qui a frappé mortellement Guy à la poitrine, tandis que Jeanine était touchée à la cuisse droite.

Étonnamment, le caïd en question fut remonté à bord du car, quand le couple d’instituteurs n’a pas reçu le moindre sauvetage de ses occupants ; gisant à l’abandon en bordure de chemin.

Janine Loiraud à Limoges, en 1949Mademoiselle Janine Loiraud dans la presse limougeaude de la fin des années 40. (© Capture d’écran | Source gallica.bnf.fr / BnF | Le Populaire du Centre : hebdomadaire régional : organe de la Fédération socialiste de la Haute-Vienne | Dir. Jean Clavaud | Auteur: Parti socialiste SFIO (France) | Date: 7 juillet 1949)

Il a fallu attendre plusieurs heures avant l’intervention des premiers secours.

Un laps de temps qui fut fatal au mari, qui s’était depuis vidé de son sang sur le bitume aurésien.

Le caïd Sadok et les époux MonnerotElle avait reçu les condoléances d’un certain Mitterrand, alors ministre de l’Intérieur du gouvernement de Pierre Mendès France. (© Capture d’écran | Source gallica.bnf.fr / BnF | Journal officiel de l’Algérie | Date: 24 novembre 1954)

Hélitreuillée par les parachutistes, c’est allongée sur une civière qu’elle a fait son retour en France.

Transportée par ambulance jusqu’à Charenton, elle a pu cicatriser ses plaies auprès des siens sans avoir pu assister aux obsèques de son mari à Limoges.

Aperçue avec un visage livide lors de ce long déplacement, sa convalescence fut longue et douloureuse avant qu’elle ne reprenne finalement le fil de sa carrière en Seine-et-Oise à la rentrée 1955-1956.

Sacerdoce qu’elle a mené jusqu’en 1982, finissant au poste de directrice, à Hyères.

Entre temps, elle s’est remariée, a pu fonder un foyer de quatre enfants — devenant par la suite grand-mère.

Citation de Jeanine Monnerot de 1994Citation tirée de l’entretien accordé à Sud Ouest par l’épouse de Monsieur Monnerot (paru le 1er novembre 1994).

Et quatre décennies après cette « Toussaint Rouge », elle est décédée le 11 novembre 1994 dans le XVème arrondissement de Marseille, à l’âge de 61 ans, 9 mois et 14 jours.

Née Janine Loiraud, un samedi 28 janvier 1933, cette Limougeaude de naissance n’a offert qu’un seul témoignage à la presse au crépuscule de sa vie.

Oubliée de la quasi-totalité de ses compatriotes, malgré son statut de miraculée de guerre, son nom revient parfois dans les médias lorsqu’il est question d’honorer la mémoire de ces femmes françaises qui ont tenté d’œuvrer activement pour le bien-être des indigènes.

Obsèques de Batna à la suite de la Toussaint Rouge(© Capture d’écran | Source gallica.bnf.fr / BnF | Point de vue, Images du monde : le journal des princes d’aujourd’hui / [dir. publ. Laure Boulay de la Meurthe] | Date: 18 novembre 1954)

C’est notamment le cas de la chroniqueuse Gabrielle Cluzel qui, en juillet 2025, a nommé cette Dame — ainsi que le docteur Dorothée Chellier — sur les plateaux de CNEWS, pour montrer que ces exemples féminins ont jadis pu exister.

Tout comme celui d’Émilie Busquant, la mère lorraine du drapeau DZ.

Ou encore Marcelle Stöetzel, la première Dame du premier Président algérien, Ferhat Abbas.