Guy Monnerot, première* victime civile des fellaghas
Même si une allée étroite porte son nom à Limoges, Guy Monnerot est hélas une personnalité peu connue du grand public.
Frappé de plusieurs balles dans une embuscade tendue par le FLN, la postérité a retenu de lui l’image d’un martyre de l’Algérie française.
- Parenthèse franco-chérifienne: Pourquoi les bourgeois de Casablanca (et de Rabat) sont surnommés les « kiliminis » ?
La première cible d’une guerre qui a duré moins de huit ans et qui a coûté la vie à plusieurs centaines de milliers de personnes sur les terres de l’Émir Abd-el-Kader.
Et pourtant, son souvenir s’est peu à peu effacé de la mémoire de ses concitoyens ; passés depuis à autre chose.
L’épouse de Monsieur Monnerot a miraculeusement survécu à l’attaque du 1er novembre. (© Capture d’écran | Source gallica.bnf.fr / BnF | Figaro : journal non politique | Date: 24 novembre 1954)
Né un 7 décembre 1931 à Bergerac, en Dordogne, ce fils de maréchal des logis n’avait que 22 ans, 10 mois et 25 jours, au moment de perdre la vie.
Un départ précoce qui témoigne de toute l’injustice d’un conflit qui a principalement affecté des civiles innocents.
- Digression temporaire: Ali la Pointe, Hassiba Ben Bouali, Mahmoud Bouhamidi et le Petit Omar ont-ils fait l’objet d’une trahison ?
Instituteur de vocation, il exerçait alors son sacerdoce à Paillard, dans l’Oise.
Et c’est au cours de l’été 1954 — un 10 août pour être exact — qu’il a choisi d’épouser à Limoges Mademoiselle Janine Loiraud, institutrice comme lui.
Il y a 66 ans, le #1erNovembre 1954, l'instituteur français Guy Monnerot, venu en #Algérie pour aider à l'alphabétisation, est tué lors d'une embuscade par le #FLN algérien.
— LouisRielFrance (@LouisRielFrance) November 1, 2020
Quelques heures avant, Laurent François, assassiné à 22 ans, est le premier mort de la guerre d'Algérie. pic.twitter.com/UhvjF1V26U
Tous deux Amis de L’École émancipée (ou ÉÉ), un mouvement syndicalo-pédagogique né dans les années 1920, ils ont obtenu un poste double au village de Tifelfel au sein de la wilaya de Batna.
Mais ce qui devait être un nouveau départ s’est subitement transformé en cauchemar.
Le 1er novembre de l’an 1954 fut l’aube d’une lutte qui s’est parachevée en mars 1962 avec les accords d’Évian.
Alors qu’ils étaient montés à bord d’un car Citroën en direction d’Arris, un amas de pierres — éparpillé en travers d’un chemin des gorges de Tighanimine — a poussé le chauffeur à s’arrêter subitement.
(© Capture d’écran | Source gallica.bnf.fr / BnF | Dernière heure | Date: 11 novembre 1954)
Cet obstacle, loin d’être le fruit d’un éboulement montagneux, fut posé par les fellaghas de Bachir Chihani (dit Si Messaoud), chef d’un groupe de l’ALN des Aurès.
Le caïd présent sur place, un certain Hadj Sadok, est parti à son contact pour le dissuader de s’en prendre aux deux seuls Européens de l’équipage.
Armé d’un misérable Manufrance 6,35 mm datant des années 1910, il se savait en position de faiblesse face à cette troupe largement supérieure en nombre et en armement.
Les époux Monnerot — qui furent sortis manu militari du véhicule — ne parlaient pas un mot d’Amazigh ou d’arabe, et ne pouvaient donc pas saisir la teneur du dialogue entre les deux indigènes.
Unique témoignage de Jeanine Monnerot — livré au journal Sud Ouest — quelques semaines avant son décès à Marseille (dans le XVème arrondissement).
Une barrière de la langue qui ne pouvait pas non plus leur permettre de comprendre les tensions croissantes dans les trois départements algériens.
Soudain, Sadok dégaina son vieux calibre de son habit, ce qui poussa le garde du corps de Chihana — un certain Mohammed Sbaïhi — à mitrailler dans le tas avec son pistolet-mitrailleur Sten.
Tous furent touchés par cet arrosage de balles, surtout Guy qui fut atteint à la poitrine, quand Jeanine était blessée à la cuisse droite.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, les rebelles indépendantistes laissèrent le caïd remonter dans l’autocar, quand le couple Monnerot fut laissé gisant sur le bas-côté.
La suite fut une longue séquence d’agonie mutuelle ; où Madame déchira sa robe blanche pour en faire des garrots de fortune.
Au total, ladite « Toussaint Rouge » a causé une dizaine de victimes — majoritairement françaises. (© Capture d’écran Ina.fr | Producteur: Télévision Française 1 | Journaliste: Alain Ammar | Date: 31 octobre 1994)
Une Renault Juvaquatre, occupée par des quarantenaires français, est même passée à proximité de leur emplacement sans pour autant s’arrêter…
Le mari succomba lentement dans la foulée, quand son épouse fut hélitreuillée par les parachutistes pour être soignée à la clinique de Batna.
Dans un premier temps, Il fut honoré dans cette ville aurésienne en étant inhumé selon les coutumes musulmanes, avant que sa dépouille ne soit rapatriée en France.
(© Capture d’écran | Source gallica.bnf.fr / BnF | Radar : le tour du monde en 150 images | Date: 14 novembre 1954)
Et c’est un lundi 29 novembre qu’il fut enterré dans le caveau familial du cimetière limougeaud de Louyat.
La cérémonie religieuse s’est d’ailleurs déroulée au sein de l’église Saint-Joseph.
Loin d’être oublié dans la région, une école primaire porte aujourd’hui son nom à Boisseuil, en Haute-Vienne, au sud-est de Limoges.
* Le viticulteur picard Laurent François, lui aussi âgé de 22 ans, fut en réalité le premier Français abattu par le FLN dans la ville de Cassaigne (devenue depuis Sidi Ali). Frappé par balles le 31 octobre à 23h30, il fut déclaré mort le lendemain à 1h30.
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