Malika Massu: Algérienne de naissance, Française de cœur

Certains naissent Français, quand d’autres, à l’instar de Malika ou Rodolphe Massu, le deviennent par vocation.

Née Messeguem le lundi 5 octobre 1942, en pleine Seconde Guerre mondiale, elle a fait le choix de l’intégration — à une époque où la plupart de ses semblables optaient davantage pour la sécession.

En effet, c’est après la bataille d’Alger qu’elle a — à l’âge de 15 ans — fait sa proclamation de foi pour l’Algérie tricolore.

Probablement répugnée par les barbouzes du colonel Yacef Saâdi, cette adolescente a choisi d’épouser la République au moment où le général de Gaulle faisait son grand retour aux affaires ; à la suite d’une longue traversée du désert.

L'arbre généalogique de Malika Messeguem-Massu

Rodolphe Massu est le petit frère adoptif de Malika. Kabyle, il fut recueilli à l’âge de six ans en 1958 — comme cette dernière — par un appelé.

L’année précédente, celle de 1957, l’agglomération algéroise était devenue un champ de mines incandescent.

À tel point que le gouverneur Robert Lacoste a confié des pouvoirs de police exceptionnels à la 10e division parachutiste de Jacques Massu afin d’épurer la ville du chancre moudjahid.

Une besogne de basse police pour cette unité d’élite qui s’est employée à pacifier un territoire sous Occupation française depuis 1830.

Et à l’heure où une grande partie des indigènes songeait à une séparation dans le sang, les élites de jadis s’efforçaient à créer un réenchantement national dans l’ensemble des colonies.

Suzanne Massu, née Rosambert, est la mère adoptive de Malika MesseguemNée en 1907 dans le XVIIème arrondissement de Paris, Suzanne Rosambert fut décorée de la médaille de la Résistance en 1947. (© Capture d’écran | Source gallica.bnf.fr / BnF | Point de vue, Images du monde : le journal des princes d’aujourd’hui / [dir. publ. Laure Boulay de la Meurthe] | Date: 17 juin 1954)

C’est dans ce contexte que Madame Massu, épouse de ce dernier depuis 1948 à la suite de son divorce avec Henri Torrès, a fondé — le 8 avril 1957 — l’AFJ (« l’Association pour la formation de la jeunesse »).

Pour éviter que chaque garçon de Bab El Oued et d’ailleurs ne devienne un Ali la Pointe ou un petit Omar en puissance, il fallait développer une oeuvre sociale pour les prendre en charge afin de leur offrir un avenir décent sous le parapluie colonial.

Dotée d’une enveloppe de 21 millions d’anciens francs sur les 123 reçus en février, cette structure avait pour but d’offrir aux jeunes algérois déscolarisés un apprentissage professionnel.

L’idée étant qu’ils ne s’enlisent pas dans les marécages du désœuvrement, et donc de la dissidence fellahin.

Le général Jacques Massu(© Capture d’écran Ina.fr | Radiodiffusion Télévision Française | Date: 31 août 1958)

C’est alors qu’une multitude de centres furent ouverts dans les différentes wilayas, dont un au sein de l’immeuble du canard communiste Alger Républicain.

Surnommés les « yaouleds », ces chérubins étaient orphelins pour la plupart et erraient de part en part sans horizon défini.

Très engagé dans ce projet d’ordre social, le général Massu croyait dur comme fer à la fraternisation des pieds-noirs avec des indigènes majoritairement Imazighen.

Déjà père d’une petite Véronique, il a fait le choix d’adopter deux enfants recueillis par l’association, à savoir Malika et Rodolphe.

Allée Suzanne Massu inaugurée en 2014Le lundi 12 mai 2014, fut inaugurée une stèle en hommage à Suzanne Massu. Pour l’anecdote, Rodolphe — le fils adoptif de cette dernière — se trouve à l’extrême gauche de cette photographie, avec le tricolore entre les mains. (© Capture d’écran | Chaîne de Web TV Ville d’Oloron Sainte-Marie sur YouTube | Date: 13 mai 2014)

Emblèmes de l’intégration pour laquelle il s’est toujours battu, il estimait qu’un avenir commun — loin d’être une chimère — était encore possible malgré le fracas des bombes posées par Hassiba Ben Bouali et ses consœurs.

C’est donc l’assimilation républicaine qu’il tentait d’appliquer par l’exemple ; à une période de l’Histoire où plus d’un million d’Européens coexistaient avec huit millions de maghrébins au sein de ces trois départements.

Hélas pour lui, l’année 1962 a mis en bière ce rêve de fraternité — et ce malgré la tentative de putsch des généraux Challes, Salan, Zeller et Jouhaud.

L’Algérie algérienne de Ben Bella, dont l’épouse — Michelle Zohra Sellami — est née d’une mère française à Folligny, n’a pas fait dans le détail contre ses anciens occupants.

Citation de Guy-Marc Sangline au sujet de Madame MassuCitation du Docteur Guy-Marc Sangline, tirée de l’article d’Yves Denéchère sur les « enfants de Madame Massu ».

Et c’est patriotiquement que Malika Messeguem-Massu-Boispertuis a servi son pays de cœur en honorant la mémoire de son père adoptif.

Régulièrement, elle se rendait en famille sur sa tombe pour lui rendre hommage.

Héritière de son idéal, elle est décédée le dimanche 29 juillet 2018 dans les Bouches-du-Rhône à l’âge de 75 ans, 9 mois et 24 jours.